L’équipe d’En visite avec un chef adore parler, échanger, débattre sur le monde, sur la question de l’alimentation responsable, l’éducation, la transmission et ce qui est encore mieux, c’est de partager cet instant avec des personnalités passionnées de gastronomie, de terroir et dont nous admirons le travail et l’implication.

Pour le lancement de notre rubrique A table avec nos amis, nos premiers convives sont Noémie Vialard, auteure et chroniqueuse autour de la nature et Stéphane Houlbert, cuisinier amateur, passionné de gastronomie.

« On est une bonne équipe et on s’entend bien» cette phrase reflète la douce complicité qui unit Noémie et Stéphane, amoureux de nature et fins gourmets.

Préserver l’environnement, apprendre à connaitre intimement la nature et se délecter de recettes savoureuses, voici l’expérience alléchante que nous propose Noémie Vialard et Stéphane Houlbert à travers leur livre Balades gourmandes*.

Avec 63% des Français qui se disent prêts à consommer le plus de produits locaux possibles pour soutenir l’économie d’après un sondage Ipsos **, le confinement semble avoir éveillé le désir de mieux consommer et d’avancer au rythme d’une nature généreuse pour profiter au mieux de ses bienfaits.

Entre rires, échanges et confidences, Noémie et Stéphane nous parlent de leur rapport à la nature et au terroir, du savoir-faire de producteurs singuliers et de chefs qui se réapproprient de plus en plus leur territoire.

Entretien réalisé en mai 2020.

Noémie Vialard, folle de nature et de plantes qui se mangent

Noémie, quel est ton rapport au terroir ? Et en quoi plus particulièrement le terroir breton, t’inspire ?

Noémie Vialard. Le mot terroir fait écho à mon enfance. J’habitais en région parisienne mais j’allais passer toutes mes vacances dans le Lot chez des cousins fermiers.

Mes parents avaient une maison à Cancale, c’est ainsi que j’ai pu découvrir le terroir breton, mais je n’avais pas la notion de ce qu’on pouvait cueillir dans les prés salés et sur les rochers. Depuis que je vis en Bretagne, je fais des découvertes en permanence. Je glane le long du littoral des sauvageonnes au goût unique. Je vis dans une région où il y a énormément de producteurs : de beurre, de légumes à la saveur incroyable, même de foie gras, des confits, sans oublier nos pécheurs. Je me passionne également pour l’univers viticole, j’aime aller voir les vignerons dans les caves pour mieux découvrir leur savoir-faire.

Tout comme cela vaut pour les fruits, les légumes et les poissons, y a-t-il une saisonnalité des  plantes ?

Noémie Vialard. Oui bien-sûr, il existe une saisonnalité des plantes sauvages. Il y en a certaines que l’on peut cueillir toute l’année et d’autres que l’on ne cueille qu’en hiver : de septembre à avril. Après ces plantes rentrent en dormance.

La saison magique se déroule de mars à avril, car les plantes d’hiver sont encore là et les plantes de printemps pointent le bout de leur nez, elles sont toutes douces, toutes tendres.

LIERRE TERRESTRE – ©NOEMIE VIALARD

 Derrière les livres que j’écris, il y a un désir de partage, d’échange et de transmission comme c’est le cas avec la cuisine, c’est très lié

Noémie Vialard

Comment t’es venue l’idée d’écrire Balades gourmandes ?

Noémie Vialard. Petite fille j’aimais élaborer des recettes à base de fleurs et de beurre que je faisais goûter à ma petite sœur (rires).

Avant Balades gourmandes, j’avais déjà écrit un livre sur le sujet, qui s’appelait le Journal des cueillettes dédié à la glane et qui était illustré par des recettes. L’envie d’en écrire un nouveau était vive, car pendant cet entre-deux, j’ai découvert beaucoup d’autres plantes comestibles.

J’ai proposé Balades gourmandes à un éditeur avec le désir de présenter des recettes un peu plus sophistiquées que celles que je concocte régulièrement. Au fil des discussions avec Stéphane, qui est un amoureux de cuisine, on a testé une recette, puis plusieurs. Notre collaboration était née.

Depuis, nous avons écrit ensemble deux nouveaux livres qui vont sortir prochainement : le premier sera consacré aux plantes comestibles de bord de mer et le second aux plantes de chemins, de prairies et de lisières.

Il y a un lien intrinsèque qui unit le jardinage à la cuisine. C’est pour cela que derrière les livres que j’écris, il y a un désir de partage, d’échange et de transmission, comme c’est le cas avec la cuisine, c’est très lié. La plupart des gens qui ont un jardin aiment justement cuisiner car ils ont envie de goûter leurs produits. 

LIERRE TERRESTRE – ©NOEMIE VIALARD

Quel est selon toi, le produit d’exception qui se marie à merveille avec une plante ou une fleur, la parfaite alliance à savourer?

Noémie Vialard. La coquille Saint-Jacques ! C’est un produit que je ne travaillais pas du tout avant et que je prenais plaisir à manger au restaurant. Elle possède un côté doux et tendre à la fois.

La Saint-Jacques qu’elle soit crue ou cuite se marie à merveille avec des plantes aussi bien crues que cuites.

Stéphane Houlbert. Je rejoins Noémie à propos de la Saint-Jacques, on peut la travailler aussi bien crue que cuite. Ce qui interpelle, c’est la légère sucrosité qu’elle révèle quand on la mange en carpaccio ou en tartare. On peut jouer sur des accords un peu corsés en ajoutant un soupçon de fenouil, d’anis ou de mélisse. On peut aussi ajouter des pois de senteurs si on a la chance d’en trouver, cela apporte un goût un peu noisette qui s’accorde parfaitement avec une Saint-Jacques crue.

Un chef qui te surprend ?

Noémie Vialard. J’adore le chef Julien Lemarié du restaurant Ima à Rennes, il m’étonne dans ses propositions. Sa cuisine me ravit et invite à la découverte.

Stéphane Houlbert, fou de cuisine et de découvertes gustatives

Stéphane, de plus en plus de gens s’adonnent à la cueillette, cela révèle-t-il un besoin de connaître la provenance d’un produit et de (re)découvrir un terroir ?

Stéphane Houlbert. Pratiquer la cueillette ce n’est pas à proprement parler se réapproprier son terroir, c’est plus une découverte de la nature à travers des fleurs et des plantes sauvages. Les fleurs ou les plantes sauvages ont un pouvoir de réminiscence : celui d’éveiller une émotion ou une senteur oubliée.

Le mot terroir, selon moi, fait plutôt référence au légume et à la viande.

 Dans un plat, la partie végétale devient primordiale par rapport au carné ou même au poisson, il y a vraiment un changement qui s’est opéré en cuisine 

Stéphane Houlbert
NOMBRILS DE VENUS – ©NOEMIE VIALARD

Le végétal tient une place importante dans tes créations, peux-tu nous dire pourquoi ?

Stéphane Houlbert. Il y a une multitude de richesses à découvrir avec le végétal qui regroupe aussi bien les plantes que les légumes.

Dans un plat, la partie végétale devient primordiale par rapport au carné ou même au poisson, il y a vraiment un changement qui s’est opéré en cuisine. Avant au milieu de l’assiette, trônait la viande ou le poisson accompagné par des petits légumes qui faisaient office d’éléments décoratifs. Maintenant, c’est souvent le végétal qui prime, apportant ses saveurs et ses couleurs. Et cuisiner plus de légumes et autres verdures permet de moins consommer de viande et de poisson. C’est une façon d’agir sur l’environnement, en réduisant l’élevage intensif et la pêche industrielle, qui est une véritable catastrophe écologique.

Dans Balades gourmandes, le côté animal est réduit, la viande devient un condiment.

Il est préférable d’acheter en plus faible quantité des produits de qualité que d’acheter des produits en provenance de pays extérieurs vendus à des prix incompréhensibles.

La solution consiste à privilégier la qualité gustative en se dirigeant vers la bonne production, le bon élevage, tout simplement.

Noémie Vialard. Stéphane évoque les producteurs mais il ne faut pas oublier les pécheurs. Par exemple, je pense à un petit pêcheur de Cancale qui part tout seul avec son bateau, la nuit. Il revient au petit matin et sa pêche est vendue aussitôt sur le marché. C’est une belle démarche responsable. Il y a peu de choix mais la qualité, la fraîcheur, elles, sont au rendez-vous.

Stéphane Houlbert. La saisonnalité est très importante, ne la sacrifions pas au nom de nos goûts ou envies personnelles : pourquoi manger des fraises ou des cerises à Noël ? Il est temps de suivre les producteurs. En ce moment, la pêche nous offre du lieu jaune, du saint-pierre et du homard dont la saison commence en mai jusqu’à septembre, octobre. Le homard est de belle qualité avec une chair magnifique et comme c’est la pleine saison, le prix est aussi plus abordable.

A travers Balades gourmandes, on a souhaité travailler des recettes sur l’instant en respectant la saisonnalité.

NOMBRIL DE VENUS – TARTARE D’HUITRES AUX NOMBRILS DE VENUS – ©NOEMIE VIALARD

Comment est née cette envie de collaborer avec Noémie Vialard et de concocter des recettes saines et gourmandes ?

Stéphane Houlbert. On m’a obligé surtout (rires), plus sérieusement, une envie d’apprendre, d’échanger mais aussi de transmettre bien évidemment. On est une bonne équipe et on s’entend bien. J’ai pu découvrir un monde que je ne connaissais absolument pas et j’aime encore plus la cuisine maintenant. Il me paraissait essentiel de transmettre l’éducation du goût par la nature.

PIMPRENELLE – ©NOEMIE VIALARD

Derrière chaque recette, chaque création, se cache également le savoir-faire d’un producteur ou d’un artisan, peux-tu me citer le ou les noms de producteurs ou d’artisans dont tu admires le travail ?

Stéphane Houlbert.  J’ai beaucoup d’admiration pour deux producteurs de légumes qui sont complètement différents. Tous deux ont une production saisonnière, bio, sans traitements et respectueuse de la terre.

Etienne Leroy, j’ai découvert ses légumes sur le marché à Avranches, et j’ai eu la chance de me rendre sur sa production qui est très artisanale. Il travaille avec des acteurs et des clients locaux : restaurateurs et particuliers. Ses légumes sont vraiment excellents.

Eric Roy, on s’est connu par notre amour de la gastronomie. Il a la particularité de cultiver des mini légumes pour la restauration, souvent  étoilée. Ses barquettes sont magnifiques, elles sont multicolores, pleines de goût et de saveurs.

A la différence d’Etienne, Eric Roy travaille principalement pour la grande restauration mais tout en étant proche du terrain, par exemple pendant le confinement, il a décidé de vendre ses légumes aux particuliers, ce qu’il ne faisait jamais avant. Il a eu d’excellents retours.

François Cerbonney est un producteur de viande que j’ai connu à l’école. Il est devenu berger et éleveur de prés salés.

La viande des prés salés est naturellement salée car, été comme hiver, les moutons vivent dans la baie du Mont Saint-Michel, se nourrissant exclusivement d’herbus. Cela donne un produit magique !

François comme beaucoup de producteurs ne sera jamais riche mais sa richesse réside dans la transmission de son savoir.

Voilà quelques producteurs que je peux citer, bien évidemment, j’en connais d’autres mais ce qui est formidable c’est de voir leur travail. Cela permet de mieux comprendre pourquoi on achète un produit à ce prix là mais aussi de découvrir le savoir-faire qui se cache derrière.

PIMPRENELLE – ©NOEMIE VIALARD

Un chef qui t’inspire ?

Stéphane Houlbert. Je suis un fan inconditionnel d’Alain Passard !

Je suis également admiratif de Bruno Verjus qui possède une science et une culture du produit qui est juste extraordinaire. A la base, il est journaliste, il a quitté ce métier pour devenir cuisinier et ça n’a pas été totalement bien accueilli au départ. Aujourd’hui, il a réussi et il a décroché son étoile il y a 2 ans. Sa cuisine est simple et sans artifice : un légume ou deux accompagné de son petit jus ! L’assiette est extraordinaire, c’est fabuleux !

Cela est possible car derrière le produit sublimé, il y a le savoir-faire singulier d’une femme ou d’un homme, ne l’oublions pas.

De nombreux chefs se réapproprient leur terroir et leur territoire. Par conséquent, que l’on soit dans la Loire, en Bretagne ou en Normandie, l’expérience culinaire sera différente.

Le chef David Toutain est également une source d’inspiration !

Noémie Vialard. Ah je pensais bien que tu allais citer David Toutain. N’oublie pas, tu dois m’inviter dans son restaurant à Paris.

Stéphane Houlbert. Nous allons pouvoir y aller, Noémie, maintenant que nous sommes déconfinés.

Un nouveau livre sur les cueillettes en bord de mer sortira prochainement chez Ouest France.

Vous pouvez retrouver les pérégrinations culinaires de Noémie Vialard et de Stéphane Houlbert sur leur page Facebook : Jardin Culinaire Sauvage

Sources :

*Balades gourmandes de Noémie Vialard / Recettes Stéphane Houlbert. Préface signée François Morel aux éditions Delachaux et Niestlé

**Etude Ipsos 63% des Français se disent prêts à consommer le plus de produits locaux possibles pour soutenir l’économie – 8 juin 2020

Crédit photo : Satis LN Photographie / Noémie Vialard

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